Interview de Lara Dickenmann (republication du 24.05.2018)
Elle a remporté 2 Ligues des Champions, 7 championnats et 4 coupes de France avec l’Olympique Lyonnais. Aujourd’hui elle a la possibilité de battre son ancienne équipe en finale de la LDC avec Wolfsburg, et ainsi se retrouver une troisième fois sur le toit de l’Europe : Lara Dickenmann s’est confiée à MyTotalsport sur son parcours, ses trophées, le foot féminin et plein d’autres sujets…
MyTotalsport: Comment en es-tu venu à jouer au football ?
Lara Dickenmann: Mon père est un ancien joueur de foot, ses frères (mes oncles) et son papa l’étaient également, du coup c’était évident pour moi de vouloir essayer le sport. Quand mes voisins et mon frère ont décidés de vouloir s’inscrire dans l’école de foot du SC Kriens je les ai accompagnés et j’ai tout de suite aimé ce sport.
MTS: Qu’est ce que t’as apporté ton passage aux Etats-Unis ?
L.D: Beaucoup de choses! Sur le plan physique les entrainements étaient plus durs et plus intenses, c’est pourquoi j’ai appris à mettre la barre plus haute et à mieux connaître mon corps et ce qu’il peut effectuer. Le fait d’être loin de ma famille et de tout ce que j’ai connu auparavant m’a fait grandir et m’a également ouvert l’esprit sur une autre culture et une autre façon de penser. Les entraineurs américains utilisent beaucoup les jeux psychologiques pour faire passer des messages ou pour renforcer le mental de quelqu’un. L’école américaine m’a bien préparée pour ma carrière pro, plus jamais j’avais l’impression de ne pas pouvoir réussir une tâche.
MTS: Avec Lyon, tu as connu une très bonne période du club où tu as gagné 7 championnats, 4 Coupes de France et 2 Champions League. Qu’est-ce que ça fait de remporter autant de titres et comment était cette période à Lyon ?
L.D: J’ai adoré jouer à l’OL. C’était mon premier club en tant que joueuse professionnelle et j’avais une énorme chance de faire partie de cette équipe pleine de joueuses de classe mondiale et aussi d’un club d’un tel standing. J’apprenais d’elles tous les jours et c’était un grand plaisir de jouer à leurs côtés. J’y ai vécu des hauts et des bas et cette expérience m’a fait progresser en tant que joueuse et en tant que personne. Notre objectif était toujours le même chaque année, de remporter tous les titres à la fin de la saison, et on a souvent réussi, mais ce ne sont pas les titres que je retiens, sauf peut-être la première Ligue de Champions, mais les rencontres que j’ai pu faire et la culture de foot française que j’adore. Les choses que j’ai appris sur moi et qui m’ont fait grandir sont plus important aujourd’hui, même si c’était génial de remporter autant de titres avec l’OL.
MTS: Tu as tout de même perdu 3 finales de C1. Ce n’est pas trop dur ?
L.D: Si, c’est très dur de perdre, mais une finale est quand même une belle expérience qu’il faut estimer. Et ce qui est bien dans le foot, c’est que j’aurai à nouveau la possibilité d’équilibrer le bilan.
MTS: Ta saison avec Wolfsburg se passe bien. Vous êtes premières en Bundesliga, en finale de la coupe et en demi-finale de C1 féminine. Pouvez-vous faire un triplé cette saison ?
L.D: Je suis sure que l’on a les moyens de le faire cette année. Notre saison se passe bien mais rien n’est joué. Mais on est sur une bonne dynamique et j’espère que l’on puisse aller jusqu’au bout.
MTS: Quelle est la meilleure joueuse avec qui tu as joué ?
L.D: C’est très difficile d’en choisir une.. En ce moment j’ai la chance de jouer avec Pernille Harder et Caroline Hansen, qui sont deux joueuses de classe mondiale déjà à leur jeune âge. Elles peuvent faire la différence toute seule, quand elles ont la balle c’est toujours dangereux. Ce qui est aussi important est que à côté du terrain ce sont des filles super sympas. De ma période à l’OL je dirai que Shirley Cruz et Camille Abily m’ont impressionné le plus, mais je pourrais nommer quasiment chaque joueuse avec laquelle j’ai joué là- bas.
MTS: Tu es sûrement une des meilleures joueuses de l’équipe de Suisse depuis plus de 10 ans et tu as inspiré beaucoup de jeunes filles à jouer. Est-ce une fierté, qu’est ce que ça représente pour toi ?
L.D: C’est gentil, merci! Je ne suis pas quelqu’un de très fière, mais oui, c’est un grand plaisir d’avoir pu faire partie des joueuses qui se sont qualifiées pour la première fois pour une phase finale. Pour moi l’important est d’être un bon exemple pour les jeunes filles et aussi mes coéquipières.
MTS: On a notamment vu Caroline Abbé revenir dans le championnat suisse. Est-ce une option pour toi ?
L.D: Alors chapeau de ce qu’elle fait en ce moment, Caroline je veux dire, en travaillant pour l’association à Muri puis faire des entrainements 4 fois par semaine à Zurich. C’était toujours une option pour moi de finir ma carrière en Suisse, mais je ne sais pas si j’aurai l’envie de ce mode de vie à mon âge.
MTS: L’équipe nationale se développe bien, avec de plus en plus de belles performances et de qualifications obtenues. Qu’est ce qu’on peut espérer de plus pour le futur ?
L.D: Après l’Euro, il y avait quelques changements dans l’équipe, ça fait qu’aujourd’hui on a un peu moins de joueuses qui évoluent à l’étranger qu’avant et notre âge moyen est plus bas. Il y aura un changement d’entraineur à la fin de cette qualification mais j’espère que l’on continuera de la même façon avec la même philosophie. L’objectif est de se qualifier pour chaque phase finale et d’essayer de se rapprocher des meilleures équipes du monde.
MTS: As-tu déjà été victime de sexisme à cause du football ?
L.D: Je suis une femme, donc oui. Je pense beaucoup d’hommes ne comprennent pas que leurs remarques sont sexistes et le font sans penser à mal. Dans le milieu du foot, qui reste un sport masculin dans beaucoup de pays, j’ai souvent eu l’impression que malgré nos bons résultats il reste toujours des gens qui pensent que la femme est là pour se faire belle et n’a rien à faire sur un terrain de foot. Mais c’est à nous de changer ces mentalités caduques.
MTS: Qu’aimerais-tu dire aux gens qui disent que le foot féminin n’est pas intéressant, ne vaut rien ?
L.D: De venir voir un match. Souvent, les gens qui n’ont jamais vu un match de foot féminin disent ça. Je suis sûre que l’on pourrait changer beaucoup d’avis.
Interview réalisé via des questions-réponses à l’écrit.