Interview de Charlotte Chable (republication du 23.01.2018)
Révélée en 2015 au yeux du grand public grâce à de superbes courses, Charlotte Chable a aussi connu des moments difficiles ces dernières années. Elle revient cette saison sur les skis et espère bien retrouver son meilleur niveau. Elle nous parle de ses blessures, de ses courses et de bien d’autres choses.
MyTotalSport : En février 2015 à Maribor, lors de la deuxième course Coupe du Monde de ta vie, tu termines 11ème. Peux-tu nous décrire les émotions que tu as ressenties à la fin de cette course ?
Charlotte Chable : C’était ma deuxième course, avant il y avait eu les championnats du monde où j’avais fait 15ème donc j’avais déjà un bon résultat. C’était pas une coupe du monde mais c’était encore mieux ! A Maribor, j’étais arrivée et je savais que je pouvais skier vite, mais je m’attendais pas vraiment à faire un résultat comme ça. J’ai juste skié la première manche et j’étais 15ème, je me suis dit “Ah, trop cool !“ J’ai vraiment attaqué en deuxième manche parce que je voulais me “parker” dans le classement, je voulais même faire encore mieux que ce que j’avais fait en première manche. J’avais fait une petite faute, je suis arrivée en bas et j’étais deuxième. Je ne suis pas arrivée première donc au début j’étais déçue mais finalement j’ai quand même regagné des places et j’étais très contente. Pour ma deuxième course, une 11ème place, j’étais fière de moi.
MTS : Les championnats du monde 2015, tes premiers, à Vail furent très bons. Tu termines meilleure suissesse en te classant 15e. Qu’est ce qui est différent entre les championnats du monde et la coupe du monde ?
CC : Il n’y a aucune différence. Enfin je veux dire que la course reste la même. C’est juste que au niveau du résultat c’est un peu différent. C’est différent parce que c’est une course d’un jour et cela compte juste plus qu’une coupe du monde car il n’y en a qu’une fois tous les 2 ans alors que les courses de coupe du monde il y’en a plusieurs fois dans l’année. Si tu as un bon résultat aux championnats du monde tu peux par la suite dire que tu as bien réussi. Mais en soit, les courses sont tout le temps les mêmes. Que l’on coure en coupe du monde, en course FIS ou dans n’importe quelle autre course, ça reste une course.
MTS : En coupe du monde, tu alternes les bons et moins résultats (21 courses, 8x DNF, 6x DNQ, 7x classée). Comment expliques-tu le manque de constance dans tes résultats ?
CC : C’est sûr que c’était l’un de mes gros problèmes, mais on a essayé de travailler par dessus. J’ai toujours été, depuis toute petite, quelqu’un qui essayait d’aller à fond et je ne prenais pas vraiment de marge pour arriver en bas. J’y allais et on voyait si ça passait. Quand ça passait, en général, ça passait bien et j’ai toujours un peu eu cet esprit là. J’ai essayé de le changer par la suite. J’ai aussi été beaucoup blessée et du coup pendant toutes ces années de blessures où les autres pouvaient accumuler de l’expérience, je n’ai pas pu et du coup j’ai pu grandir moins vite dans le domaine du ski. J’ai du temps à rattraper et je dois me construire. C’est ce que j’essaye de faire maintenant.
MTS : Durant la saison 2016-2017, tu participes à 5 courses coupe du monde, mais tu ne finis jamais classée ou tu tombes. Comment faire quand traverse-t-on une période comme ça ?
CC : C’était difficile, mais en même temps attendu. Je m’étais cassée le pied en octobre et je n’étais pas encore prête à courir. On s’était dit que j’étais encore dans les 30 mondiale en slalom et il fallait que je prenne un départ pour essayer de rester dans les 30, mais je n’étais en faite pas prête à courir. Vu que j’avais été blessée, on aurait dû prendre le temps de plus se reconstruire, mais je n’avais pas ce temps là, car je devais rester dans les 30 dans la liste de départ et du coup j’ai couru, mais les résultats ne sont pas venus. Sur le moment j’étais triste, c’était difficile à accepter, car je savais que je pouvais le faire, mais que là je n’y arrivait pas. Je me suis dit : “C’est comme ça, j’ai été blessé, ça arrive, je vais me reconstruire et voilà, on passe par dessus.” Quand ça ne va pas, ça ne sert à rien de rester dessus pendant 2 mois. Il faut aller de l’avant et se créer de nouveaux objectifs.
MTS : Tu es aussi très touchée par les blessures. Comment ne pas perdre la motivation ?
CC : Je ne fais pas quelque chose de spécial, elle (la motivation) est juste toujours là parce que j’aime ce que je fais même si il y a des moments assez difficiles. Bien sûr que les quelques jours qui suivent la blessure et même certains passages pendant la rééducation sont difficiles mais les moments que j’apprécie quand je fais mon sport sont tellement plus fort que les moments où t’as un peu de doutes et de déceptions que tu te surpasses parce que t’as envie de skier et skier vite. La motivation de faire ma rééducation, elle est présente car j’ai un objectif derrière.
MTS : Tu es, cette saison, remontée sur les skis et tu connais de bons résultats. Comment se passe ton année et quand espères-tu retrouver le plus haut niveau et la coupe du monde ?
CC : C’était prévu de ne pas revenir tout de suite en coupe du monde parce que je suis sortie des 30 meilleures, et je n’ai pas fait non plus de courses FIS ces dernières années donc je ne pouvais pas partir entre la 31ème et la 45ème place. Et partir avec mes points et partir 70ème ne vaut pas la peine, donc c’était un choix que j’ai dû prendre de courir en courses FIS et pas en coupe du monde pour retrouver la confiance et mon plus haut niveau. Sinon tu ne peux pas revenir au meilleur niveau avec des déceptions en partant mal classé, cela ne te permet pas de te reconstruire. Je n’ai pas envie de brûler les étapes, même si je suis impatiente. Je ne veux pas me blesser à nouveau donc j’espère être prête pour l’année prochaine et recourir en coupe du monde.
MTS : Tu te concentres ces temps surtout sur le slalom, est ce que cela t’intéresserait de courir dans plusieurs discipline, notamment en géant ?
CC : Oui, je ne veux pas faire que du slalom. Pour l’instant je fais mes résultats en slalom parce qu’il y a toujours une discipline où ça va mieux en premier. Mais pour moi faire une seule discipline c’est “chiant à mourir” (rires), enfin moi, j’aime la diversité et j’ai envie de changé même s’il faut trouver du temps pour tout entraîner et c’est difficile. Mais l’objectif c’est de pouvoir courir en géant autant qu’en slalom.
MTS : Si tu n’avais pas fait de ski, que ferais tu aujourd’hui ? Quelles sont tes autres passions ? (sport ou pas)
CC : Je serais sûrement aux études, mais qu’est ce que je serais en train d’étudier, je ne le sais pas. Franchement, je ne me suis jamais posé la question parce que dès l’âge de 15 ans j’étais en “sport-étude” et j’ai été prise dans les cadres de Swiss Ski très jeune donc je n’ai jamais trop eu le temps de réfléchir à cette question. Je commence à y réfléchir un peu, mais c’est difficile quand tu as tellement envie de réussir dans ta passion. Je pense que le jour où j’arrêterai le ski, c’est que j’aurai trouvé autre chose à faire.
MTS : T’inspires-tu de certains sportifs ?
CC : Oui, il y en a plein. Depuis toute petite j’adore Didier Cuche, je regardais toujours les courses pour lui. Et il y a plein de sportifs qui sont inspirants dans plusieurs domaines mais ce qui est bien c’est pas forcément d’avoir un modèle. Il faut prendre ce qu’on apprécie chez plusieurs exemples. C’est bien de s’inspirer, il faut sentir aussi ce qui est bien pour soi et prendre un peu
de ce qu’on veut chez ses idoles.
MTS: Que penses-tu de Mikaela Shiffrin qui gagne presque tout cette saison ?
CC : Je pense que “waouh”, c’est impressionnant. Moi qui sait ce qu’il faut pour arriver à skier vite. Elle arrive à faire ça sur chaque course pendant plusieurs saisons, on voit qu’elle est toujours plus en forme. Elle commence même à gagner dans les disciplines de vitesse. On ne peut que dire bravo et admirer cela. Ça doit nous motiver à nous surpasser pour essayer d’aller la titiller, mais c’est pour l’instant très dur car elle est sur une autre planète que toutes les autres skieuses. Je pense que c’est grâce à sa structure. Depuis toujours elle est encadrée, elle a un talent et sait comment l’utiliser, donc c’est tant mieux pour elle. Nous ne pouvons qu’admirer.
Interview réalisée par interview téléphonique.
Photos : rts.ch; skionline.ch